Voter aujourd’hui ? That is the question et les questions se sont pressées au café citoyen animé par Brice O’Hayon, directeur de La Tribune, et Patrick Canin, maître de conférence à la faculté de droit de Valence et président de la section de Valence de la Ligue des droits de l’homme (LDH).
Vendredi 27 janvier, le club de la presse 26-07, Droit de cité, la LDH, Vivre à Saint-Marcel et Rhône Crussol citoyens ont réussi à mobiliser, à l’heure où se profilent deux échéances électives importantes, quelque 70 personnes. Certes, moins d’une poignée de jeunes mais des personnes avisées et intéressées à débattre, dont plusieurs élus du Nord-Drôme. Globalement la barre politique penchait du même côté, un peu de contradiction aurait avivé, voire enrichi, les débats. L’on s’entendait pour le vote des étrangers aux élections locales (un premier pas acceptable par la population française d’après les sondages). L’on déplorait le profil de l’homme politique, presque une exception française en Europe ! Quelques données abasourdissantes : le 18e rang européen pour la place des femmes dans le personnel politique, l’âge moyen d’un député à 59 ans et 10 mois (45 ans au début des années 80…), pour le sénateur c’est pire malgré l’âge minimum d’éligibilité abaissé à 24 ans en 2011 : 65 ans (58 ans en 2007). Autres points négatifs, le manque de diversité et de représentativité de l’éventail des milieux sociaux. Enfin, pour ce qui est du cumul des mandats, Patrick Canin, après avoir clairement résumé ses avantages et ses inconvénients, se prononçait catégoriquement : « Le contrôle du pouvoir, du gouvernement ne peut se faire que si on est présent dans les assemblées. Si on veut faire le travail sérieusement, c’est du plein-temps ! » Le système électoral français irait-il droit dans le mur ? Avec 55 % d’abstention aux dernières élections cantonales, on croit cauchemarder. Le café citoyen de ce soir-là s’est d’ailleurs conclu sur cette démocratie à renouveler. Hyper-présidentialisation du régime, contrôle mal exercé, empilement des niveaux (même si certains syndicats sont tout de même amenés à disparaître avec la réforme territoriale), rôle croissant des techniciens… si l’on veut voir nos concitoyens retourner vers les urnes, des choses doivent changer.
Retrouver le chemin des urnes.
Mais il faut aussi que le gouvernement ose mener des réflexions : doit-on rendre le vote obligatoire sous peine d’amende ? Voter sur iphone ? En semaine ? Adapter le mode de scrutin ? Faciliter l’exercice de la politique aux femmes (garderie dans les assemblées, etc.) ? Limiter davantage le cumul des mandats ? Comment prendre en compte les votes blancs ou nuls (des gens qui se sont tout de même déplacés mais qui visiblement ne se retrouvent pas dans l’offre) ? Voici quelques pistes lancées par la salle et les intervenants. Pour rendre la vie démocratique plus attractive, la politique a un rôle d’information, la presse aussi bien sûr. Brice O’Hayon devait notamment parler du rôle et de l’influence des médias, de la concentration et diversité des organes de presse, des liens entre médias et élus. Le journaliste s’attachait à démonter quelques idées reçues (« Doit-on juger une corporation pour quelques personnes qui déraillent ? »), à rappeler quelques vérités : « Si la presse souffre aujourd’hui, la France présente le plus grand nombre et la plus grande diversité de titres dans le monde » ; « Il y a plus de maladresse que de malhonnêteté dans le traitement de certaines informations » ; « la presse est bien la garantie de la démocratie », sa consultation favorise l’indépendance et étaye l’opinion du citoyen. Brice O’Hayon ne pouvait pas taire que le Crédit Mutuel est à la tête de l’Ebra (dont font partie La Tribune et le Dauphiné libéré), le plus gros groupe de presse régional en France. Mais pour lui, dans un contexte où l’achat d’un journal est devenu un luxe, du moins un acte non prioritaire, le groupe peut être un gage de durabilité.
Un brin taclé par le public sur la liberté de la presse, le risque de manipulation, le manque de pluralisme, le non-exercice de ce quatrième pouvoir, Brice O’Hayon défendait son désaccord et la profession. Ce qui est sûr, c’est que le monde change, et très vite. Lecteurs, journalistes qui ne se sont peut-être pas remis en cause pour s’adapter à la société, soulignait- il, médias… la mutation numérique a contaminé tout le monde. « Essayons de grandir ensemble, élus, médias et associations », cette parole de paix lâchée au final par Mme Ory, adjointe au maire de Bourg-lès-Valence, allait dans le sens de ce café citoyen agréable : le progrès.
Laure Ostwald.
Photo : (L.O)Patrick Canin et Brice O’Hayon ont bien dosé les débats et échangé avec l’assemblée avec courtoisie.