En ce début d’année 2018, la profession de journaliste continue à être malmenée comme jamais. Un sondage de « Planet » la place 5e dans le baromètre des professions les plus détestées des Français. Le baromètre annuel Kantar 2017 de la confiance dans les médias montre un intérêt pour l’actualité au plus bas : à peine 64 %, alors même qu’on était en année d’élections présidentielles. La confiance dans l’information relayée par les media chute elle aussi : -3 points pour la radio qui reste en tête des médias les plus crédibles (52 % de bonnes opinions). Le journal et la télévision accusent, eux, une baisse importante de leur crédibilité, à 44% (-7 points) et 41% (-9 points). Quant à Internet, 26% seulement des Français font confiance à l’information qu’il relaie . Pourtant, Internet est désormais le moyen d’information privilégié d’environ un quart des Français.
Avec comme corollaire que le public s’est habitué à considérer l’information comme devant être gratuite. Il ne viendrait à personne l’idée de sortir de la boulangerie avec son pain sous le bras sans l’avoir payé n’est-ce pas ? Eh bien, c’est ce que subissent beaucoup de médias. Ainsi des journaux locaux à qui les associations font appel sans jamais, souvent, mettre un centime pour acheter la publication dans laquelle se trouvent leurs communiqués. À terme, ces comportements risquent de se révéler mortels pour certains journaux. L’équipe de l’hebdomadaire «Le Crestois » a tiré la sonnette d’alarme en octobre dernier, avec un éditorial exceptionnel : « Les règles du jeu ont changé et forcément, nous devons nous adapter car, si nous continuons à assumer la communication de l’ensemble des associations, intercommunalités, mairies et toutes les structures qui font régulièrement appel à nous, d’ici cinq ans, nous aurons disparu… (…) si nous nous faisons un devoir de parler de tous et en toute occasion, cela ne peut pas se faire sans un certain retour ».
Sur le plan national, c’est une mauvaise nouvelle pour la qualité de l’information et du débat démocratique quand 90 % des médias français sont entre les mains d’une dizaine de milliardaires. Mauvaise aussi quand Delphine Ernotte la présidente de France Télévisions veut réduire les moyens dédiés à l’investigation. Ou quand Europe 1 annonce la fermeture de son « lab » son site consacré à la politique. Sans parler de la précarisation de la profession. Passons aussi sur le mépris au quotidien auquel sont de plus en plus souvent confrontés les journalistes.
Mais nous journalistes conservons toute notre place. N’importe qui peut balancer une vidéo ou une photo sur Facebook ou You Tube, mais seul un professionnel de l’information est apte à recouper, vérifier, hiérarchiser, mettre en perspective le torrent d’informations auquel le citoyen est désormais confronté. Les révélations sur l’évasion fiscale (Panama Papers puis Paradise Papers) ont mis en évidence combien le journalisme conserve toute son utilité. A nous de nous réinventer. Ça a déjà commencé. De plus en plus de médias apprennent à s’emparer d’Internet plutôt que de le subir. La presse écrite instaure peu à peu une complémentarité entre le web dédié à l’information immédiate et le print dévolu aux analyses approfondies, aux enquêtes, aux portraits. De nouveaux outils émergent : cartes, images, frises chronologiques interactives… Sont-ils voués à remplacer les articles ? En tout cas de jeunes confrères pleins de talent et maîtrisant pleinement les arcanes du web arrivent dans les rédactions. Et la profession attire toujours, la preuve étant le nombre élevé de jeunes élèves de 3e qui demandent à effectuer leur stage dans la presse.
Céline Gonin
Présidente du Club de la presse Drôme Ardèche