Une intervention de Sylvie Brunel, géographe, économiste et écrivain : comment les médias ont-ils donné à voir l’Afrique depuis les années 60 ? pour ouvrir un débat… Une soirée à la Cartoucherie à Bourg-lès-Valence, le 10 décembre, co-organisée par Resacoop, Ados et le club de la presse.
Sylvie Brunel a commencé par brosser un tour d’horizon historique rapide des flux d’images médiatiques consacrées à l’Afrique : le choc des famines ou des guerres comme celle du Biafra (1967/70 au Sud-Est du Nigeria), les reportages répétés sur les fléaux comme le Sida ou Ebola, les sécheresses… soit divers états de crise qui suscitent de la compassion attristée, qui mettent en scène des Africains victimes, ou permettent à des ONG de recueillir des fonds pour des interventions d’urgence… Cependant, depuis quelques années, le visage de ce continent a pris d’autres couleurs sur les unes et les écrans du monde… on y glorifie la croissance, l’ingéniosité, la nouvelle Afrique… tandis que l’attrait pour les grands fauves, le caractère exotique des savanes et des anciennes traditions ethniques ne s’est jamais démenti.
Sylvie Brunel
La répétition de ces clichés tient-elle compte de la réalité de chacun des 54 états souverains qui composent le continent ? Loin s’en faut… Aïcha Traoré, journaliste de Guinée (Conakry) en formation à Lyon, venue pour participer au débat a pu témoigner : « ce que je lis et vois de mon pays ici ne correspond pas à la vie au pays… Il m’est arrivé de téléphoner à ma famille, affolée par les nouvelles reçues ici. Mais tout allait bien ». Elle a dit également la difficulté pour les journalistes du continent de travailler, « manque de moyens, crainte de représailles, corruption, etc ».
Sylvie Brunel, qui a travaillé pendant 17 ans à Médecins sans frontières, puis à Action contre la faim, et dont l’un des derniers ouvrages s’intitule « l’Afrique est-elle si bien partie ? » a pu répondre également à d’autres interrogations des participants au débat, nombreux à œuvrer dans des associations de solidarité internationale ayant noué des liens avec le Sénégal et d’autres pays voisins.
Intérêt des francophones
Des a priori, des habitudes intellectuelles, des enquêtes trop rapides par manque de moyens et/ou sous influence d’ONG ou de lobbies économiques, la presse occidentale se heurte aux habituels handicaps à l’exercice de ce métier pour aborder le continent africain. Ces difficultés ont été rappelées lors du débat. Il existe, cependant, en Afrique et sur d’autres continents des articles, des émissions qui posent de bons diagnostics. Par ailleurs, il faut se souvenir qu’au printemps dernier une pétition partie des Etats-Unis appelait à voir le traitement médiatique de l’Afrique sortir des ornières de l’exotisme.
J’ajoute mes interrogations sur le devenir du traitement des informations venues des pays africains au moment où de multiples médias occidentaux et notamment des chaînes de télévision investissent le continent. Après Jeune Afrique (1960), RFI, TV5 Afrique, France24 ou Africa24, ou encore le Point Afrique (2014) c’est Canal+ qui lance cette année A+, ou la chaîne Africanews (Euronews) qui installe des bureaux régionaux. Tous ces médias francophones trouvent de multiples concurrents comme la BBC, CNBC, l’agence de presse turque Anadolu, la chaîne chinoise CCTV Africa installés depuis plusieurs années pour certains. Alors que la TNT s’impose sur le continent, ces déploiements se solderont-ils par des batailles idéologiques ou bien contribueront-ils à asseoir une plus grande liberté de la presse ?…
L. Gouverne
Partenaires organisateurs de cette soirée :
Resacoop : réseau Rhône-Alpes d’appui à la coopération